Entretien B. Martin-Starewitch, P. Courtet-Cohl, S Saërens avec Olivier Catherin - Bulles de Rêves - Radio libertaire - 17 novembre 2001, 17h

Transcription de l’émission BULLES DE REVES,

Fenêtre animation de BULLES NOIRES.

Radio libertaire (FM 89.4)

Samedi 17 novembre 2001, 17 à 19 heures.

Emission animée par :

Olivier Catherin

Serge Kornmann

Marina Feodoroff

avec pour invités :

Sylvie Saërens, arrière petite-fille d’Emile Reynaud,

Béatrice Martin-Starewitch, petite-fille de Ladislas Starewitch,

Pierre Courtet-Cohl, petit-fils d’Emile Cohl.

Ces extraits ne reprennent que ce qui concerne Ladislas Starewitch mais vous pouvez contacter directement :

* Sylvie Saërens et l’association Les Amis d’Emile Reynaud qui publie un bulletin (quatre numéros par an).

Les Amis d’Emile Reynaud
B.P. 18
94550 Chevilly LaRue
tél : 01 45 47 74 14

* Pierre Courtet-Cohl : Tél / fax : 01 46 61 23 18

* ou bien l’association Les Indépendants du Premier Siècle qui regroupe les descendants de tous ces pionniers du cinéma... et d’autres. www.lips.org

* ou bien l’Association Française du Cinéma d’Animation, A.F.C.A. : http://www.afca.asso.fr

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Intervention de Béatrice Martin-Starewitch

[entre crochets ont été ajoutées certaines précisions]

Olivier Catherin : Parti de Kaunas, passé par Moscou, Ladislas Starewitch est arrivé en France, c’est un drôle de parcours, il se sentait quoi, à votre avis, Ladislas Starewitch ?

Béatrice Martin-Starewitch : Oh, je dirais un citoyen du monde...

Olivier Catherin : ...un citoyen du monde !

Béatrice Martin-Starewitch : Oh oui, cela ne me pose pas de problème.

Olivier Catherin : Cela ne pose pas de problème.

Béatrice Martin-Starewitch : L’orthographe du nom Starewitch, wicz ou vitch peut poser un problème. L’origine, maintenant, en pose moins, parce que cet été mon mari m’a emmenée en Lituanie dans le village des ancêtres de mon arrière grand-père, qui s’appelle SurviliSkis. Là, vous avez le goudron, les routes sont très, très bonnes et tout-à-coup le goudron s’arrête, il n’y a plus que de la piste, et vous avez des maisons magnifiques, de bois, qui sont grandes mais petites à la fois, qui sont complètement en harmonie avec la nature et quand vous allez dans ce village, vous pouvez comprendre pourquoi Starewitch était tel qu’il était. En plus en allant en Lituanie, j’ai découvert que, jusqu’à présent pour moi, l’origine du mot Starewitch était un peu russe, " witch " voulant dire " de ", " stare " voulant dire " vieux ", ce n’était pas un problème, puis j’ai rencontré quelqu’un qui m’a dit : " stare " veut dire " cigogne " en lituanien. Alors, si " stare " veut dire " cigogne " en lituanien, c’est totalement en harmonie avec Starewitch et ça me plaît beaucoup plus que " vieux " (rires). Donc j’ai fait mon choix ; d’autant plus que quand vous faites le voyage, cela fait, quoi ?, un aller-retour de cinq mille kilomètres, vous êtes accompagnés par les vols de cigognes. A partir de la Pologne, c’est absolument fabuleux. Alors son origine est lituanienne et il est né à Moscou. On peut dire aussi en quelque sorte que c’est un miraculé puisque son père faisait partie de l’insurrection de 1863 et a été emmené en déportation pour aller au ... Goulag... enfin !

Olivier Catherin : en Sibérie...

Béatrice Martin-Starewitch : ...en Sibérie, voilà. Et sur le chemin de cette déportation, il a été extrait de la colonne des déportés pour devenir travailleur à l’hôpital Galitsine de Moscou qui venait de perdre son pharmacien. Grâce à ses compétences, donc, il n’est pas mort et c’est comme cela que quelques années après mon grand-père a pu naître, à Moscou ! Voilà.

Olivier Catherin : Donc, toute la première partie de sa carrière, on le sait peut-être assez peu en France, s’est passée en Russie où il a fait beaucoup, beaucoup de films à partir de 1910. C’est un cinéma très particulier, c’est le premier à avoir vraiment fait en continu des films de marionnettes, alors, d’où cela lui est-il venu ? On a des éléments de réponses ?

Béatrice Martin-Starewitch : Son premier film, il l’a fait en Lituanie, Sur le Niemen, en 1909 et c’est un film d’ethnographie parce qu’à la base, c’était un autodidacte qui s’est fait mettre à la porte de l’école parce qu’il préférait aller voir les papillons plutôt que d’écouter et faire les salutations religieuses obligatoires. Mais c’était un scientifique et, il avait, avec un de ses professeurs, à Kovno [actuellement Kaunas], créé un musée ethnographique. Il était entomologue et il voulait expliquer à ses élèves, à ses camarades , etc..., comment les insectes vivaient et c’est ainsi qu’il a commencé le cinéma d’animation image par image. C’était en 1910 : quinze mètres à partir d’insectes naturalisés auxquels il a donné des mouvements par les poses. C’était une bande de quinze mètres.

Olivier Catherin : Lucanus Cervus, c’est ça ?

Béatrice Martin-Starewitch : Voilà : Lucanus Cervus, Lucarnes Cerfs-volants, les gros hannetons, les gros insectes qui étaient beaucoup plus gros à l’époque que maintenant, et c’est extraordinaire, à travers son œuvre et les collections d’insectes que nous avons, de voir qu’au fil des années et des décennies les animaux ont beaucoup évolué, ont beaucoup perdu de leur caractère d’origine. Par exemple, je me souviens, il y a encore une trentaine d’années, quand on passait dans les rues de Paris, on avait des hannetons qui nous tombaient sur la tête, des hannetons... C’est fini ça, il n’y a plus de Lucanes qui nous tombent sur la tête. Ils sont de plus en plus petits et en voie de disparition, ça c’est... étonnant. Enfin, c’est regrettable.
   Alors donc en Russie, il est allé à Moscou travailler pour Khanjonkov et tourner des films, avec des acteurs, entre autres Mosjoukine ; dans ses films, il mettait toujours de l’animation. Et aussi des films scientifiques, parce que Khanjonkov qui est un grand producteur russe, un homme extraordinaire et remarquable, était un philanthrope et a aussi fait faire des films scientifiques à ses réalisateurs, il était extraordinaire dans tous les domaines de la recherche.

Olivier Catherin : Finalement, il a touché un peu à tout. Il a commencé en faisant des films documentaires, des films scientifiques d’animation qui sont devenus ensuite de véritables petites histoires et puis des films de fiction, même des longs métrages de fiction. Et ils existent encore ces films, non, je ne pense pas ?

Béatrice Martin-Starewitch : Alors en Russie, il a tourné..., que j’additionne..., quarante-sept films en Russie. En tout, ça fait soixante-dix-huit films, en fait, entre la Russie et la France. Il y a à peu près quatre-vingt films. En Russie il doit en rester treize, certains avec Mosjoukine ; il a illustré beaucoup Krilov, Gogol, Lermontov, des grandes légendes avec beaucoup, beaucoup, d’effets spéciaux.
   Par exemple il avait des relations avec les acteurs qui étaient un peu tendues parce qu’il demandait à une grande actrice du Théâtre russe de s’allonger, de ne plus bouger, c’était insupportable, donc elle tempêtait, tapait du pied, c’était impossible ! On l’empêchait de faire son travail ! Et une fois qu’elle voyait le résultat sur l’écran avec les effets spéciaux qu’il avait fait, elle se voyait nager dans les eaux ou monter dans les nuages, elle trouvait que c’était extraordinaire. Donc... c’était... un homme étonnant !

Olivier Catherin : Cet aspect là de sa filmographie est un peu passée sous silence quand on regarde les dictionnaires et les histoires du cinéma, c’est vrai qu’on ne parle que de l’animateur, du cinéaste d’animation...

Béatrice Martin-Starewitch : ... parce qu’on n’a pas la possibilité de voir les films russes en fait. En dehors des festivals...

Olivier Catherin : ... ils existent ? Il y en a pas mal qui restent ?

Béatrice Martin-Starewitch : Il en reste, il en reste. Quand Khanjonkov a quitté la Russie, il est parti en emportant en Europe, en Italie [Khanjonkov s’installe finalement en Allemagne jusqu’en 1923], un seul film, c’était un film de Starewitch qui s’appelait Stella Maris, L’Etoile de mer, il paraît que c’était extraordinaire, que c’était une merveille et, une merveille parmi d’autres, Ruslan et Ludmilla, ou bien Yola... C’était des films qui étaient tous extraordinaires parce que Starewitch y avait mis sa touche. Et on n’en parle pas parce qu’il est difficile de les faire sortir.
   Il n’y a que les festivals qui les montrent. Par exemple à Pordenone, il y a une quinzaine d’années [en 1989], il y a eu une rétrospective et on en a vus quelques uns. A Annecy [Festival international du film d’animation] en 91 quand on a fait une rétrospective consacrée à Ladislas Starewitch, la Cinémathèque russe a montré beaucoup de films russes. On a même pu à ce moment là comparer les deux Roman de Renard : le Reineke Fuchs, la version allemande qui circule en Allemagne et la version française, ce qui très intéressant du point de vue de l’historique de ce film qui a connu pas mal de déboires et qui est le seul long métrage d’animation de Starewitch, les autres étant des courts métrages qui durent jusqu’à trente-cinq minutes, entre quinze et trente-cinq minutes.

Olivier Catherin : Il quitte la Russie en 1919 pour venir s’installer en France...

Béatrice Martin-Starewitch : Il met deux ans pour venir. Il s’installe en France. En fait tous les Russes du train étaient partis pour aller en Italie, et arrivés en Italie, ils ont été extrêmement déçus parce que... ils étaient partis, on leur avait promis un studio et puis quand ils sont arrivés on leur a dit... " Mais enfin, quand même, il ne fallait pas nous croire ! " Donc, là, ils se sont tous évaporés, qui en Allemagne, qui aux Etats-Unis, etc... et Starewitch est allé en France.

Olivier Catherin : Donc il s’est dit " Je vais continuer mon œuvre cinématographique...". Comment ? Il avait les films avec lui ?

Béatrice Martin-Starewitch : ça... il avait tout son savoir-faire. Il avait 38 ans, quand il a quitté la Russie il était au summum d’une carrière où tout le monde attendait de lui beaucoup de nouveaux films. Il était considéré comme un dieu. Les Anglais étaient persuadés qu’il dressait les fourmis, par exemple. Et puis comme il était très taquin, il laissait les gens dans l’ignorance. Pourquoi leur aurait-il expliqué ce qu’il faisait puisque ça amusait et que ça plaisait comme ça. Mais quand il est arrivé, il avait tout son savoir-faire, et je pense, justement, qu’un film comme Dans les Griffes de l’araignée de 1920 était un film en gestation, qu’il y avait des rushes, quelque chose qui était prêt. Mais, de Russie ? Je suis en train de rechercher dans mes stocks de nitrate, des films, des morceaux d’un film que je restaure et je tombe sur d’autres morceaux, et là je suis tombée sur un morceau où il y a écrit " 1914, extrait de film ", il y en a un autre de 20, donc il y aurait au moins ce petit bout qu’il aurait rapporté de Russie. Par exemple pour Lucanus Cervus, je n’ai qu’une photo.

Olivier Catherin : mmm...

Béatrice Martin-Starewitch : Et les films russes qui sont restés en Russie sont conservés au Gosfilmofond, mais pour ce petit bout de film de 1914 qui dure quelques secondes... ça me ferait plaisir de... je vais le restaurer. En sortant d’ici, j’y cours... (rires)... Vous plaisantez, mais vous allez être surpris ! Non, quand il est arrivé il avait des grosses malles, il y avait du matériel, il n’est pas arrivé les mains vides.

Olivier Catherin : Donc quand il est arrivé en France, il a fondé son studio ? Mais il faut des fonds...

Béatrice Martin-Starewitch : Oh, non, ! Il n’a pas fondé son studio tout de suite. Il a travaillé pendant environ deux ans. Il a acheté son studio environ une année ou deux après être arrivé et en attendant il a travaillé pour d’autres et comme il y avait quelques petites rancœurs dans la communauté russe immigrée, on lui donnait les tâches les plus difficiles à faire. Comme, par exemple, filmer dans le bois de Vincennes les chevaux qui devaient sauter au galop par dessus les petites rivières... mais il fallait qu’il soit couché dans l’eau, la caméra hors de l’eau pour filmer, sinon ça n’allait pas... (rires)... en plein hiver... vous voyez ce genre de petites choses très plaisantes. Bon, il a très vite acheté une maison, en 1924, à Fontenay-sous-Bois où il est resté jusqu’en 1965. Et puis, là, il l’a étendue, agrandie, il a fait son studio là.

Olivier Catherin : Il a trouvé les moyens de produire ses films lui-même, tout seul ?

Béatrice Martin-Starewitch : Oui, oui. Les films comme L’Epouvantail, La Petite chanteuse étaient des pochades qu’il faisait pour lui, pour sa famille, parce qu’il avait deux filles et une femme qu’il aimait beaucoup, et il aimait beaucoup à Noël, enfin, tout moment était un moment pour faire la fête et donc il faisait des films... Ce sont des films que j’ai restaurés mais qui, à mon avis, n’étaient pas destinés, au départ, à la vente. C’est après que les gens prenaient les films, la bobine, sous le bras et allaient les vendre. Donc il faisait, il produisait ses films tout seul jusque dans les années 29-30.
   Après, tout a pris d’autres dimensions... je pense par exemple au film Le Roman de Renard, pour lequel il y a eu un autre producteur. Il a travaillé avec Louis Nalpas. Pour L’Horloge magique, déjà, le producteur était Louis Nalpas. C’est un film qui existe encore, qui montre vraiment toutes les facettes, tout le talent, tout l’humanisme, toute sa générosité, sa fantaisie, sa créativité, toute sa drôlerie... enfin je ne sais pas, je ne veux pas en mettre trop, mais c’est un film, c’est une sorte de chef d’œuvre. C’est pas celui-là LE chef d’œuvre, ce n’est pas mon préféré. Cela dépend de chacun en fait, chacun peut trouver dans Starewitch ce qui l’intéresse et dire c’est celui-ci que je préfère, mais ... donc en 28, L’Horloge magique...

Olivier Catherin : Ce sont souvent des contes quand même... Il y a souvent de l’humour...

Béatrice Martin-Starewitch : Oui, beaucoup d’humour, enfin beaucoup d’humour... mais c’est toujours une pointe, il y a toujours une petite pointe d’humour, une petite pointe de coquinerie. Là, toujours un tout petit peu. C’est un réalisateur pour tout public. Chacun voit ce qu’il veut. Alors vous me dites des contes ?

Olivier Catherin : Oui, ce sont souvent des contes ou des fables.

Béatrice Martin-Starewitch : Soit des fables des autres, par exemple La Cigale et la fourmi de Krilov, ou bien Reineke Fuchs d’après Goethe, ou bien Le Rat de ville et le rat des champs de La Fontaine, ou bien une adaptation d’une vieille légende chinoise, Les Yeux du dragon, mais ce sont aussi des créations tout à fait personnelles... L’Horloge magique...

Olivier Catherin : Oui, mais même quand ce sont des créations personnelles, je veux dire, ce ne sont pas forcément des adaptations, mais, même dans ses créations personnelles le film prend souvent la forme, en fait, d’une fable...

Béatrice Martin-Starewitch : Toujours, toujours. Et même quand on analyse son œuvre... ce qui est très important, pour l’œuvre, pour lire un film de Starewitch, est d’accepter de se replonger dans le regard d’un enfant. On passe à la partie fantaisie du monde de Starewitch par le regard d’un enfant. Dans La Voix du rossignol, c’est une petite fille qui nous fait entrer dans le monde des oiseaux. Dans La Reine des papillons, c’est une petite fille qui sauve une chenille et qui deviendra la reine des papillons. Et il y a toujours l’étape du sommeil qui permet d’entrer dans le monde de l’enfance, mais de l’enfance totalement consciente de la réalité et qui ne veut garder, qui ne montre ou qui ne vit que la partie la plus riche de l’humanité, c’est-à-dire la plus généreuse, la plus belle. Je ne vois rien de négatif dans l’œuvre cinématographique de Starewitch.

Olivier Catherin : Il faut dire peut-être, préciser, que tous les films d’animation qu’il a fait sont des films de marionnettes, dans lesquels parfois on voit des personnages en prises de vue réelles, dont ses enfants... Ses filles !

Béatrice Martin-Starewitch : Ses filles ! Comme en Russie avec Mosjoukine ou bien les autres grandes actrices russes, il y avait de l’animation et des acteurs vivants... Quand il est arrivé en France, il a utilisé... En Russie, Irène, son aînée, a tourné dans un film qui s’appelle Le Lys de Belgique et qui est une fable sur la paix en fait. Et quand il est arrivé en France, Irène et ma mère surtout, Nina, tournent dans les films durant les années 20. Puis Irène s’est tournée vers la réalisation pour être la collaboratrice de mon grand-père ; Nina, elle, a pris une autre direction, a suivi une autre vie. Mais c’est vrai que pendant très longtemps, le travail de réalisation des films, a été le fait de mon grand-père, ma grand-mère pour les costumes, Irène et Nina. Et Pierre [Courtet] m’a volé mon terme de " bénédictin ", qui n’est pas le mien, qui est celui, je crois, de Charles Ford. Un Cohl bénédictin, plus un Starewitch bénédictin, plus Reynaud bénédictin, je crois qu’on va monter notre abbaye (rires) en sortant d’ici !

Olivier Catherin : Racontez-nous un peu comment est né Le Roman de Renard, puisque c’est une expérience assez étonnante ! D’abord c’est le premier long métrage d’animation en France, et puis c’est une entreprise très ambitieuse et qui a eu un destin curieux puisque le film n’est sorti que dix ans après sa réalisation...

Béatrice Martin-Starewitch : ... en France, oui. Alors Le Roman de Renard, à plusieurs titres, c’est très intéressant. C’est le premier long métrage. Il a eu d’autres projets à ce moment (Gulliver en 1929, Création en 1930) mais qui n’ont pas été réalisés. Premier long métrage avec les premières grandes marionnettes. La marionnette la plus grande de L’Horloge magique fait à peu près trente-cinq / quarante centimètres, Bertrand, et après on a vraiment des marionnettes plus grandes, le lion du Roman de Renard fait quatre-vingts centimètres. Alors il faut bien comprendre qu’il n’y a pas de marionnettes de taille humaine parce que, malheureusement, on sait peu de choses sur Starewitch et, de journaliste en journaliste, d’erreur en erreur, au fil des années, on a véhiculé l’idée que, à cause de la trick photo qu’il faisait lui-même, puisqu’il était assez coquin, il y avait des personnages, des marionnettes, qui étaient aussi grandes que lui. Mais non, non, ce n’est qu’une photo truquée. Quand on le voit, qu’on voit ma tante qui lisse les moustaches du lion géant et mon grand-père assis à côté du lion géant, cela n’existe pas. La plus grande marionnette fait quatre-vingt centimètres et c’est le lion. Les proportions étaient respectées par rapport à celles de la nature, et il y avait suivant les plans trois ou quatre types de marionnettes. Il y avait la toute petite pour le plan lointain qui faisait à peu près cinq à six centimètres ; il y avait treize - quatorze centimètres pour le plan moyen et pour les gros plans, les marionnettes comme le lion, quatre-vingts centimètres. Donc ce film, premier long métrage et malheureusement unique et, deuxièmement, la première fois qu’il y a des marionnettes de grande taille.
   Alors pourquoi ce film n’a t-il pas été diffusé tout de suite ? Il a été fait en dix-huit mois, contrairement à ce qui est écrit au générique : dix ans. Il a fallu dix ans pour qu’il sorte en France mais il a été fait en dix-huit mois, c’est dire la différence entre quinze mètres de Lucanus Cervus et deux mille cent mètres en dix-huit mois pour tout faire, le scénario, l’adaptation, les marionnettes, le tournage, tout, tout, tout [sauf la sonorisation qui était du ressort du producteur Louis Nalpas], c’est un travail gigantesque qui ne peut être réalisé que par quelqu’un qui maîtrise totalement son art.

Serge Kornmann : Cela paraît très court comme délai...

Béatrice Martin-Starewitch : C’est très court, c’est très, très court. Alors, Irène était sa collaboratrice, et ma grand-mère faisait les costumes, ma mère aussi ; mais ils travaillaient tout le temps et ils avaient aussi des trucs. Par exemple il y avait plusieurs petits renards parce que c’était plus facile de faire plusieurs renards que de changer leurs vêtements.

Olivier Catherin : Comment est venue l’idée en fait...

Béatrice Martin-Starewitch : du Reineke Fuchs ?

Olivier Catherin : L’idée du film du Roman de Renard.

Sylvie Saerens : D’adapter,

Olivier Catherin : Est-ce que vous savez un petit peu pourquoi il a adapté ce texte ? Et comment s’est monté le projet, parce qu’on a dû le regarder un peu bizarrement en disant " Je voudrais faire un film qui dure presqu’une heure ", non ?

Béatrice Martin-Starewitch : Oh non pas du tout ! Si vous lisez la presse, tout le monde attendait. Chaque fois qu’il y avait des présentations de deux minutes de rush du film de Starewitch, tout le monde attendait.

Olivier Catherin : Oui, mais il faut convaincre des producteurs quand même, parce qu’il a fallu mettre de l’argent !

Béatrice Martin-Starewitch : Non, non, il n’a pas à convaincre des producteurs Starewitch, ah non, non.

Olivier Catherin : Même pour le long métrage ?

Béatrice Martin-Starewitch : Même pour le long métrage, il n’y a pas de problème parce que tout le monde attendait. Par contre, pourquoi a t-il voulu réaliser ce long métrage ? Quand on regarde les affiches, il n’avait fait jusqu’à présent que des courts métrages, c’est-à-dire des films d’une demie heure au maximum, et c’était des films d’accompagnement ; alors je pense que son désir de long métrage, est venu de sa volonté d’avoir son nom à l’affiche pour un long métrage. Ne plus être en dessous, en complément de programme.

Olivier Catherin : mm, mm...

Béatrice Martin-Starewitch : Voilà, je crois que c’était une des causes du long métrage. Mais c’était aussi qu’il était capable de faire des films de long métrage ! Et puis qu’il était très attendu.

Olivier Catherin : Et donc finalement pourquoi ce film n’est-il sorti qu’en 41 en France ?

Béatrice Martin-Starewitch : Parce que le producteur a fait faillite. Mon grand-père a tourné le film pour Louis Nalpas et il l’a tourné pour que ce soit un film sonore, La Petite Parade [le film précédent] avait déjà été sonorisé. Le Roman de Renard allait avoir une bande son, Nalpas a tablé sur le disque et le disque a fait faillite. Donc le temps de refaire surface, il s’est passé dix ans. Tandis que Le Roman de Renard, version allemande, avec une voix off et un montage différent marchait très, très bien en Allemagne et ailleurs, Le Roman de Renard restait au placard et mon grand-père a mis dix ans à récupérer les droits et à pouvoir le sortir. Avec Roger Richebé, il a fait une version sonore pour laquelle il a dû retourner des plans d’accompagnement, c’était en 39-40... Le film est sorti en 41, il y avait la guerre, il y avait un contexte qui a fait qu’il n’a pas eu l’audience qu’il aurait dû avoir.
   Depuis sa restauration, depuis 1990, ce film a fait plus d’entrées qu’il n’en avait fait à l’époque. Mais il est à noter, et je trouve que c’est très important, qu’en dépit du fait que Nalpas ait mis mon grand-père dans l’embarras avec l’échec de ce Roman de Renard sur lequel il y avait eu beaucoup d’investissements, ils sont toujours restés amis, et quand Nalpas a lancé sa première yaourtière, la première a été pour Starewitch. Donc, les relations humaines dominaient plus que les relations commerciales... et Pierre disait que...

Pierre Courtet-Cohl : Qu’est ce que j’ai dit...

Béatrice Martin-Starewitch : (rires) qu’Emile Cohl n’était pas un commerçant, que c’était un artiste, c’est valable pour tous les grands génies. Ce n’est pas parce qu’il y a un échec qu’on va en vouloir à la personne avec laquelle on a beaucoup travaillé. Ce qui n’est pas la même chose que d’avoir des relations un peu tendues avec des gens qui, après, veulent commercialiser des choses et faire de l’argent sur votre dos, ça c’est différent et il ne faut pas trop mélanger.

Olivier Catherin : Rassurez-nous, Ladislas Starewitch n’est pas mort dans la misère ?

Béatrice Martin-Starewitch : Il n’est pas mort dans la misère, non ; parce qu’il ne dépensait pas beaucoup ; mais il a travaillé jusqu’à la fin de sa vie. Il est mort en 65, je pense qu’il tournait Comme Chien et chat le dernier film ; d’après ce que je retrouve dans mes boites de nitrate, jusqu’en 63 il a dû continuer à travailler. Moi, je me souviens qu’on allait aux tables de tournage tous les jours, mais d’après les papiers cela ne semblerait pas possible. Donc il faut voir les archives, les chercheurs, etc... J’ai l’impression qu’on a dû travailler jusqu’au bout, mais les archives écrites ne le confirment pas encore.
   Il n’est pas mort dans la misère, non. Mais il a vu à partir des années 30 et de la montée du cinéma américain, de la demande américaine, sa créativité freinée par des éléments extérieurs et il a été obligé d’accepter de mettre un frein à sa fantaisie parce qu’elle faisait peur, aux enfants par exemple, parce qu’elle était hors norme américaine et que pour vendre à l’étranger, on lui demandait : " Vous enlevez ça, vous enlevez ça, vous enlevez ça  " et ça, je crois que pour un créateur ça doit être quelque chose de terriblement frustrant, plus que le manque d’argent. A mon avis...

Pierre Courtet-Cohl : Mais ça, ça existe encore, je pense à Michel Ocelot,

Béatrice Martin-Starewitch : Ah oui, et son soutien gorge.... enfin pas celui de Michel Ocelot, (rires dans le studio) celui de la maman de Kirikou, oui, oui...

Pierre Courtet-Cohl : Hélas, peut-on dire.

Olivier Catherin : On va peut-être refaire une petite pause musicale. Tout à l’heure je n’ai pas dit qu’on avait entendu Carlos Gardel... maintenant on va peut-être écouter Mistinguett qui aurait pu croiser ces trois hommes finalement...

Béatrice Martin-Starewitch : Oh mais, Mistinguett a certainement croisé Starewitch parce que dans Le Rat de ville et le rat des champs, la petite souris, c’est Mistinguett ! Alors je pense que la liaison est fabuleuse.


Olivier Catherin : Maintenant j’aimerais savoir comment vous avez découvert vos ancêtres, ces personnages. Je suppose que c’est déjà enfant, certains d’entre vous ont connu leur ancêtre d’autres non, en tous les cas il était présent dans l’histoire familiale... Béatrice Martin-Starewitch vous avez bien connu votre grand-père ?

Béatrice Martin-Starewitch : Oui, je l’ai bien connu. Mais je voudrais dire deux ou trois petites choses. D’abord, il est mort dans son lit, chez lui, et Irène, sa fille qui a travaillé toute sa vie avec lui, est morte elle aussi chez elle dans son lit. C’est quelque chose dont je suis très fière...

Olivier Catherin : bien,

Béatrice Martin-Starewitch : d’avoir réussi à garder Irène dans la maison, le studio, qui était devenu un musée et que malheureusement en tant que nièce je n’ai pas pu préserver puisque la législation sur les héritages, etc..., fixe les droits à 65 %. Nous avions un musée de tout le matériel conservé, que j’ai dû démanteler après le décès de ma tante. Mais ils sont tous les deux morts chez eux, premièrement. Ensuite, avant de mourir, il y a une relation entre Starewitch et Emile Cohl : on dit que c’est en voyant Les Allumettes

Pierre Courtet-Cohl : animées,

Béatrice Martin-Starewitch : animées que Starewitch aurait été passionné d’animation. Et il y a aussi une relation avec Reynaud : le musicien ?

Sylvie Saerens : Gaston Paulin,

Béatrice Martin-Starewitch : Gaston Paulin, pianiste, illustrait de façon musicale et donnait un thème récurrent aux personnages, comme a fait Starewitch plus tard. Quand les films sont devenus sonores, chaque personnage était reconnaissable par la musique qui collait à sa peau. Et la deuxième chose c’est que, très soucieux de son public, Reynaud adaptait sa projection à ce public et Starewitch faisait quasiment pareil. Il décomposait le mouvement, mais s’il voyait qu’il fallait enlever une phase parce qu’elle brisait l’esthétique ou s’il fallait en rajouter deux ou trois pour améliorer l’esthétique, il n’hésitait pas. Donc, entre ces trois hommes là il y avait énormément de liens. Et, pour revenir à Emile Cohl, dans Zanzabelle à Paris, on voit un dessin, mon grand-père en a fait une vitrine, un crocodile qui est un hommage à Emile Cohl et une autre vitrine que j’ai, représente un couple qui est en train de se taper dessus à coups de parapluie. C’est du Emile Cohl tout craché, donc l’hommage à Emile Cohl a été constant dans sa pensée.

Ensuite, Henri Langlois, quand il venait à la maison !

Olivier Catherin : Chez vous aussi !

Béatrice Martin-Starewitch : Qu’est ce qu’il faisait ? Il s’asseyait dans le fauteuil de mon grand-père et repoussait le fauteuil à roulette et disait : " Le fauteuil du..., je suis dans le fauteuil du Maître ! " (rires) Et moi qui était toute petite, je me disais : "Il n’est pas maître d’école ! ". C’est là que j’ai compris que le mot maître avait deux sens.
   Oui, j’ai connu mon grand-père puisque de 56, de 56 à 65, j’ai vécu avec lui et que le soir en revenant de l’école, je faisais mes devoirs au fond du studio pendant qu’il travaillait à sa table de tournage et quand il avait besoin d’une petit main, eh bien, j’apportais ma petite main.

Olivier Catherin : Vous viviez avec les personnages de ses films ?

Béatrice Martin-Starewitch : Oui, oui mais sans en avoir une réelle conscience parce que moi je pensais qu’il s’amusait. Vraiment, j’étais très crédule, je pensais... moi je travaillais et, lui, il jouait. Il y avait un petit quelque chose, un petit décalage qui n’allait pas.
   Il échangeait mes jouets contre les siens. Enfin, il me disait : "Oh, ça, ça m’intéresse !" Enfin, quoique c’était un homme extrêmement silencieux, donc, il me disait, il me montrait une de mes poupées, il m’en montrait une à lui, et puis on faisait l’échange. Donc c’était très intéressant. Mais, c’était un homme extrêmement silencieux et très observateur. Le soir, c’était rituel, en automne, pas en été, mais en automne et surtout en hiver, quand je revenais de l’école, on s’asseyait au bord de la fenêtre, et il ouvrait la fenêtre, il donnait du pain aux oiseaux. Les oiseaux venaient toujours sur son bras prendre les miettes de pain, ils venaient toujours sur son bras avant de redescendre sur la margelle de la fenêtre pour prendre les miettes ; ça, c’était extrêmement impressionnant. Une fois il m’a emmenée dans le jardin avec une grosse loupe et il m’a montré comment enflammer, mettre le feu à quelque chose. Il m’a appris à planter des tomates et à observer les vers de terre. Mais tout ça dans un extrême silence. Depuis j’ai rencontré quelques personnes, puisqu’avec mon mari on a fait beaucoup de recherches, entre autres quelqu’un que vous avez peut-être connu, Monsieur Pierre Kuhn. Et Monsieur Kuhn m’a dit : "Mais votre grand-père parlait très bien français ! ". Il me l’a dit il y a à peu près une dizaine d’années. " Comment ça parlait très bien le français, mais à moi il ne m’a jamais parlé que russe ! " C’est pour cela aussi que quand je suis allée à Moscou à Noël, tout le russe que j’avais entendu m’est revenu et je comprenais tout ce que les gens disaient, sans pouvoir dire un mot parce que je ne parlais pas, en tant qu’enfant on ne parle pas ; ça, c’est extraordinaire ! Je lui dois ça. Avoir appris une langue sans le savoir.

Serge Kornmann : Mais sans vous embarrasser, on trouve dans l’Encyclopédie du cinéma russe la note que Starewitch est vraiment un cinéaste russe, un point c’est tout. Alors quand on recopie ça, n’est ce pas... Ah non, c’est pas du tout ça. Jamais il n’a eu la nationalité exclusivement russe ou polonaise...

Béatrice Martin-Starewitch : Il avait la nationalité polonaise...

Serge Kornmann : Est ce que c’était par suite de l’occupation en France ? Ou bien...

Béatrice Martin-Starewitch : Il a toujours eu la nationalité polonaise...

Serge Kornmann : polonaise... finalement c’est ça... ça a moins d’importance maintenant...

Béatrice Martin-Starewitch : Irène a toujours gardé la nationalité polonaise, elle est née à Kovno et ma mère est née à Moscou. Elle, par son mariage, est devenue française et... très heureuse de l’être.

Serge Kornmann : Comme vous avez dit tout à l’heure " citoyen du monde " ! C’est ça finalement !

Béatrice Martin-Starewitch : Oui ce sont des questions qui ne sont pour moi pas très importantes parce que quand je suis allée à Moscou, les gens ont dit " Mon Dieu, mon Dieu, mais il est russe ! " et puis après ils ont dit " Il est un génie ! " et puis quand je suis allée en Lituanie, on m’a dit " Il est lituanien ! ", puis en passant par la Pologne " Mais c’est un Polonais ! " et puis en France, si on fait un timbre sur l’animation ! Je me dis " Ils vont le fourrer où ? " Ils vont le mettre en France ou pas ? Vous comprenez, ce n’est pas très important, quoique, pour lui... Si c’est très important pour moi, parce que j’ai beaucoup d’archives, alors, vous avez des lettres que vous pouvez lire Pierre, même si l’écriture est difficile, mais moi, il faut que je trouve traducteur d’allemand, traducteur de russe, traducteur de lituanien. Pour le livre qui est presque fini et qui va paraître bientôt dès qu’on aura trouvé un éditeur, il a fallu trouver toutes sortes de traductions, de traducteurs pour ne pas dire trop de bêtises et pour essayer d’être le plus juste possible, le plus chercheur et historien crédible possible pour éviter de rajouter dans les erreurs. Mais en général entre le livre, la thèse qui a été faite par ce Polonais et qui était à la base d’interviews de mon grand-père intitulée L’Esope du XXème siècle [Wladislas Jiewsiewicki: Esop XX wieku, Wladislaw Starewicz pionier filmu iaikowego i sztuki filmowej, Varsovie, Wydawnictwa Radia i Telewizji, 1989, 231 pages et photographies], entre la traduction du journal de mon grand-père, ce n’est pas un journal, ce sont des pensées, Pamietnik, des souvenirs et tout ce qu’on a fait traduire de droite et de gauche, ... il reste tous les scénarios à traduire, il reste beaucoup de lettres, il reste des kilos et des kilos de papiers. Mais ce sont des choses qui ne seront jamais traduites, qui vont partir dans un dépôt pour l’avenir.

Olivier Catherin : Est ce que vous pouvez nous expliquer un peu ce que vous faites, donc vous avez les droits sur les films...

Béatrice Martin-Starewitch : Oui.

Olivier Catherin : Je sais qu’il existe aussi un site Internet. Racontez-nous un petit peu ça.

Béatrice Martin-Starewitch : J’ai toujours vécu avec mon grand-père, j’ai toujours vu ma tante préserver cette œuvre. Quand mon grand-père est mort en 65, il m’avait... on était descendu dans le jardin tous les deux, il m’avait envoyée chercher toute sa collection d’oiseaux et d’animaux empaillés et on a brûlé tout ça dans le jardin. Monter deux étages, les redescendre... avec ces bêtes, c’était tragique. Mais il restait les films. Alors ces films étaient en nitrate et chaque année, pendant toute ma vie, de six ans à... jusqu’à ce que je les dépose, justement, à la Cinémathèque, c’était en 88 je crois, tous les ans, on aérait les films. C’est-à-dire des kilomètres et des kilomètres de films, on les passait d’un rouleau sur l’autre, en enlevant le noyau central pour que le nitrate puisse jouer. C’est pour cela qu’on a pu les garder et que la qualité du matériel que nous avons est remarquable. Mais ces films sont déposés dans des centres spécialisés parce qu’il est dangereux de conserver et de travailler le nitrate. Donc, ... je restaure la partie film et mon mari, historien, s’occupe plutôt de la partie archives en vérifiant et analysant la documentation originale. En 91 le Festival du cinéma d’animation d’Annecy a rendu hommage à mon grand-père et a édité une filmographie issue de ces archives confrontées à la bibliographie de l’époque. C’est donc le premier travail crédible qui a été écrit. Ensuite, d’autres personnes comme Xavier Kawa-Topor, historien du Moyen-âge, Jean-Pierre Pagliano ou bien Michel Roudevitch ont écrit des choses après s’être documentées, qui sont des choses vraies. La connaissance de Starewitch se fait donc maintenant de cette façon là. Bon, il y a aussi un site Internet : http deux slash perso point wanadoo point fr slash ls slash. Toutes les orthographes sont possibles...

Olivier Catherin : Vous tapez Ladislas Starewitch sur un moteur de recherche, vous trouverez !

Béatrice Martin-Starewitch : Voilà, ce site est actualisé régulièrement et vous pouvez y voir ce que nous faisons justement. Mais ce qui est remarquable, c’est qu’au fil du temps, j’ai pu restaurer des films grâce à ces droits d’auteur. J’ai les droits des films donc les télévisions, certaines télévisions, LaSept m’a acheté Le Roman de Renard ce qui m’a permis de restaurer des courts métrages, puis LaSept, m’ayant acheté des courts métrages, m’a permis d’en restaurer d’autres. Et c’est une institution à laquelle je voudrais dire encore merci. Depuis le temps, depuis 91 les choses ont changé, LaSept est devenue Arte donc c’est déjà plus difficile parce que la décision n’est plus uniquement française, mais j’ai actuellement une opportunité qui me permet de restaurer Les Grenouilles qui demandent un roi, 1922, 437 mètres d’images merveilleuses, fable de La Fontaine adaptée, ce sera un petit bijou qui va être prêt très, très bientôt puisque les cartons sont à l’impression, puisque le marron est fait, etc... J’ai retrouvé d’autres films, des fins de films qui me manquaient, et des petits morceaux de projets de film sur Starewitch... Je dis que j’ai retrouvé parce que tous mes nitrates, il faut les voir et comme vous trois, je pense, je suis comme vous, c’est-à-dire que le cinéma, c’est le soir, le week-end, les vacances, parce que nous sommes salariés par ailleurs pour vivre. La restauration des films est quelque chose qui s’auto finance et parfois même il faut en mettre...

Pierre Courtet-Cohl : oui, de sa poche...

Béatrice Martin-Starewitch : Bon, donc..., ça c’est très important. J’ai retrouvé, cela veut dire que j’ai eu le temps d’aller dans mon stock, à la Cinémathèque, de payer 204 francs de l’heure pour visionner mes films, quelques heures... Quand on considère qu’il faut des heures et des heures de travail, c’est quelque chose, c’est un luxe. Préserver l’œuvre de sa famille, c’est un luxe ! Et moi, je pense que je suis dépositaire d’une œuvre, ce n’est pas pour moi que je le fais. J’ai, mettons, je ne sais pas moi, soixante ans de vie, mais il y a un moment donné où c’est le patrimoine, où Starewitch c’est le patrimoine culturel européen, mond...

Pierre Courtet-Cohl : mondial, oui, comme Reynaud et Cohl,

Béatrice Martin-Starewitch : Malraux, l’avait dit et il avait raison, comme pour Cohl, et comme pour Reynaud, je ne suis qu’en transit, je n’ai pas le droit de faire de la censure, même si je trouve que des Starewitch sont moins bons que d’autres, je les restaurerai quand même. Donc, voilà, ma position vis-à-vis de cette œuvre est simple, c’est de la préserver au maximum, que ce soit la partie film ou la partie marionnette, que je restaure également et que je présente ; et les expositions me permettent d’aller petit à petit dans la préservation de cette œuvre.

Olivier Catherin : L’Association des Amis d’Emile Reynaud publie aussi une lettre...

Sylvie Saerens : Nous publions un petit bulletin de liaisons, on essaye d’en faire quatre numéros par an. Ce n’est pas toujours facile, parce que comme disait Béatrice, il faut le faire sur son temps de loisir. Emile Reynaud nous prend beaucoup de temps sur nos loisirs, en recherches en bibliothèque, en préparation de ce bulletin, récolte d’articles... Voilà, c’est bien, il faut le faire parce qu’effectivement c’est un patrimoine, il faut qu’Emile Reynaud soit connu, parce qu’il n’est pas très connu. A la limite, il est plus connu au Canada, aux Etats-Unis qu’en France, ce qui est quand même dommage...

Pierre Courtet-Cohl : Pardon, c’est la même chose pour Emile Cohl !

Sylvie Saerens : Oui, ça console !

Béatrice Martin-Starewitch : Il y a un site en coréen sur Starewitch !

Olivier Catherin : A propos de site, je voudrais citer le site des Indépendants du Premier Siècle où on peut trouver la biographie des trois...

Pierre Courtet-Cohl : Nous appartenons tous les trois à cette association.

Olivier Catherin : Vous faites tous les trois partie de cette association, donc l’adresse du site c’est www.lips.org. C’est facile à retenir, vous aurez des tas de renseignements sur ces trois réalisateurs, comme sur d’autres. En matière d’animation, il y a par exemple Lortac qui fait partie de l’association aussi.
  Malheureusement l’heure tourne, on est très en retard ; donc on va faire une nouvelle petite pause musicale avant de se retrouver avec Marina Feodoroff pour les brèves et puis, je pense, comme on a tellement de choses à dire, qu’on essayera de faire une autre émission... pour compléter, pour terminer.

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